1000 idées pour la Corse

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Idée n°36 : ne pas jouer avec des substances toxiques

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Il y a une dizaine de jours se sont tenues deux conférences au sujet des dangers pour la santé que représente l’installation de nouvelles centrales au fioul lourd en Corse (des centrales qui émettent d’importantes quantités de particules toxiques).  Je n’ai malheureusement pas pu m’y rendre, mais c’est l’occasion pour moi d’aborder un sujet que, malgré moi, j’ai eu l’occasion d’approfondir : les effets sur la santé des substances toxiques.

Bon, ma spécialité (de nos jours, il faut être spécialiste), c’est plutôt les métaux lourds, mais j’ai pu profiter de l’occasion pour essayer de comprendre un peu comment tout ça fonctionne. Comment les substances chimiques agressent l’organisme de différentes manières. Comment leur nocivité est normalement anihilée par l’organisme. Comment notre alimentation nous protège, ou plutôt ne nous protège plus trop. Comment les toxicités se cumulent. Comment la médecine passe totalement à côté du sujet. Et comment on trouve des substances toxiques surtout là où on ne les attend pas.

Voici un très court résumé de ce que je sais.

Des conséquences multiples
Quand on parle pollution, on pense tout de suite cancer ou Alzheimer. C’est une grave erreur, que font généralement les médecins et les chercheurs eux-mêmes. Les effets pour la santé des polluants ne sont pas forcément ces terribles maladies.  Maladies auto-immunes, asthme, allergies sont peut-être moins graves, mais elles peuvent handicaper durablement. Et elles ne vaccinent pas contre l’apparition de quelque chose de plus grave plus tard. Bien au contraire.

Les effets des microparticules, des pesticides, des additifs alimentaires et autre polluants courants sont souvent des maladies peu virulentes, mais chroniques, qui évoluent lentement, insidieusement. C’est ce qui les rend difficiles à diagnostiquer, à relier à la source de pollution qui en est la cause, mais aussi à étudier : les chercheurs préfèrent étudier les effets des fumées sur le cancer du poumon plutôt que leur effet sur l'(auto)immunité. C’est moins difficile à pister. Pourtant, c’est justement en diagnostiquant ces affections au développement relativement rapide qu’on pourrait identifier les problèmes à temps.

L’effet d’une substance toxique est parfois très éloigné de ce qu’on pourrait attendre a priori : respirer des particules fines ne déclenche pas forcément uniquement des problèmes au niveau des poumons, mais peut déclencher des symptômes très divers sur tout l’organisme. En général, quand on constate l’augmentation du taux de cancers quelque part, lié à une pollution, c’est que ça fait déjà bien longtemps que la population souffre de problèmes liés à cette pollution. Il est alors déjà bien tard pour agir.

Une biochimie oubliée
La biochimie explique assez bien cela. Une particule atteignant les poumons, si elle est suffisamment fine, passe dans le sang. Là, elle est distribuée dans tous l’organisme, qui met en oeuvre des processus complexes d’élimination, qui parfois saturent. Certaines substances ont des structures chimiques proches de celles de l’organisme. Celui-ci, en essayant d’éliminer une particule étrangère, attaque parfois ses propres forces : c’est le principe des maladies auto-immunes. Presque toujours, on a une agression de différents mécanismes de l’organisme : fonctions enzymatiques, fonction immunitaire, etc., causant fatigue et petites affections à répétition.

Tout cela est assez bien connu. Pourtant, quand j’essaie de parler biochimie à des médecins, j’ai systématiquement les mêmes réponses : c’est loin, ils ont oublié, c’est compliqué, ils n’ont pas le temps, ils ne sont pas formés pour ça. Face à un problème qui se pose à eux de plus en plus souvent, ils sont le plus souvent désarmés. Et comment dès lors relier un problème à sa source, quand les principaux pourvoyeurs d’information sont hors-circuit ? On rentre alors dans un cercle vicieux : parce que les médecins ne sont pas formés, ils sous-estiment le problème, et parce qu’on sous-estime le problème, on ne forme pas les médecins.

Des sources multiples
La question est d’autant plus compliquée que les sources de pollutions sont de plus en plus variées, et qu’on sait que les polluants ont des effets synergiques. On arrive assez bien à fixer des doses de sécurité pour un polluant isolé. Mais l’exposition à plusieurs polluants différents, même très en-dessous des doses de sécurité définies pour chacun, peut devenir dangereuse si les effets de ces polluants se cumulent.

Or, peu de gens, en dehors de ceux qui ont été confrontés directement au problème, sont vraiment conscients de la multitude de sources de produits toxiques auxquels nous sommes exposés. Et surtout, on a parfois de grosses surprises. On sait désormais que l’intérieur des logements est souvent beaucoup plus pollué que l’extérieur, du fait de l’usage massif de substances toxiques dans l’ameublement, la décoration, les revêtements, l’isolation… On sait que se trouvent souvent, à l’intérieur même de notre bouche, des métaux lourds, particulièrement dangereux*. On connaît les pesticides, les particules issues des moteurs diésel, les phtalates…

On sait moins que c’est le plus souvent l’alimentation elle-même qui est pourvoyeuse de substances délétères. Depuis une cinquantaine d’années, on a progressivement modifié les méthodes de production agro-alimentaires et les habitudes de consommation. Des substances autrefois peu présentes dans notre alimentation sont aujourd’hui massivement absorbées : sucres, sodium, oméga 6, produits de glycation, acides grans « trans », etc…

Une alimentation qui ne protège plus
En théorie, en dehors d’intoxications vraiment importantes, notre organisme est assez bien capable de gérer la plupart des polluants qui l’agressent : il a prévu de nombreux mécanismes pour ça. Encore faut-il que l’alimentation lui apporte en quantité suffisante les éléments dont il a besoin pour pour faire fonctionner ses systèmes de défense. Pour assurer les processus d’élimination, il lui faut par exemple des oligo-éléments, des vitamines. Pour assurer les processus de réparation, il lui faut des antioxydants… Tout ceci se trouve en abondance dans une alimentation de qualité.

Mais de moins en moins sur les rayons des supermarchés. Car tout le problème est là : face à des agressions de plus en plus variées, nous devrions adopter une alimentation de plus en plus protectrice. Et c’est exactement l’inverse qui se produit. Notre alimentation s’appauvrit régulièrement.

Et, cerise sur le gâteau, nous nous acharnons à inventer des polluants tellement différents de ce que les êtres vivants ont rencontré au cours de leur évolution, que nous risquons bien de ne plus être capables de les éliminer du tout : c’est peut-être le cas de certaines substances issues des OGM, c’est presque certain avec les nanotechnologies**.

Que faire ?
Il faut agir sur tous les tableaux : refuser de nous laisser envahir de substances toxiques***. Nous avons raison de refuser le fioul lourd, les incinérateurs et autres saloperies, mais nous devrions aussi nous méfier de solutions prétendument propres ou écologiques. Exiger des suivis épidémiologiques incluant des maladies « secondaires » : suivre l’évolution des taux de cancer, c’est constater les dégâts trente ans trop tard. Et surtout, nous battre pour obtenir une alimentation de qualité, produite près de chez nous, par des agriculteurs de confiance. Si vous n’avez pas encore pris contact avec l’AMAP du coin faites-le. S’il n’y en a pas ou si elle est saturée, trouvez quelques copains, un agriculteur motivé, et créez-en une (sans oublier de contacter l’organisation régionale qui vous donnera un coup de main).

Et surtout, formez-vous, informez-vous. Et ne jouez jamais avec des produits chimiques.

* Les Effets du mercure sur notre santé, Bernard Windham. Recueil de plus de 400 études internationales sur les dangers du mercure, y compris le mercure dentaire.

** Les êtres vivant ont coévolué avec leur environnement. Cela veut dire qu’ils se sont adaptés aux substances dangereuses avec lesquelles ils étaient en contact, soit en apprenant à les éviter (adaptation comportementale), soit par des mutations qui leur ont permis de supporter ces substances (adaptation génétique). C’était possible parce que l’évolution de ces substances dangereuse était extrèmemement lente. Nous sommes aujourd’hui dans une situation où des milliers de substances apparaissent sans que nous soyons formés à les reconnaître, et à un rythme bien trop rapide pour que nous nous adaptions génétiquement.

*** vous pouvez par exemple adhérer à une association près de chez vous. En Corse : Aria Linda, Le collectif contre l’incinérateur ou A sentinella, par exemple.

A voir sur la malbouffe :

Alerte dans nos assiettes, documentaire de Philippe Borrel. « Aujourd’hui, 80% de nos aliments ont subi un processus industriel ».

Retrouvez tous les articles de 1000 idées pour la Corse.

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Written by fabien

26 janvier 2010 à 12:21

Publié dans Culture générale

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10 Réponses

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  1. « avons raison de refuser le fioul lourd, les incinérateurs et autres saloperies »

    La nature forme un ensemble. L’existence des incinéteurs par exemple, ne s’explique que par la volonté des collectivité d’humains de se débarraser définitivement des déchets, sans les entasser dans un coin comme elles l’avaient fait. La quantité croissante de déchets vient d’une consommation croissante de produits, qui s’expliquent aussi de moult manières, par des facteurs environnementaux sociaux, sanitaires, communicationnels. Et ainsi de suite…

    Jef

    28 janvier 2010 at 11:15

  2. « face à des agressions de plus en plus variées, nous devrions adopter une alimentation de plus en plus protectrice. Et c’est exactement l’inverse qui se produit. »
    Oui mais l’équilibre est maintenu :
    – par une médecine moderne qui traite de mieux en mieux…les symptômes…et peut-être un peu moins superficiellement peut-être… une fois que les problèmes sont là
    -par des dispositifs techniques de plus en plus nombreux , dispensant d’effort les gens chroniquement fatigués /moins aptes à des régulations de leur corps/…(voiture, chauffage, assenceurs, pacemaker, pompes à insuline…heu…)
    -par des suivis psychologiques de plus en plus perfectionnés qui aident à accepter des maladies de pire en pire…

    Enfin, je m’égare…

    Jef

    28 janvier 2010 at 16:01

  3. Attention ce qui suit est rigolo mais pas si bête…

    « refuser de nous laisser envahir de substances toxiques*** »

    Par cette phrase vous avez trouvé LA solution ultime aux problème de fécondité des femmes en Corse 😉

    En Corse les femmes font peu d’enfants (cf mon super article sur la fécondité des femmes en Corse sur le site de l’INSEE et les bilans démographiques annuels).

    Bon OK, on a un taux d’avortement assez important…

    MAIS elles prennent aussi des pillules contraceptives!!!

    Ces mêmes pilules contiennent des hormones qui se retrouvent naturellement dans nos toilettes et donc dans la nature (hormones = produits toxiques car l’eau des rivières peut être contaminée par ces hormones – cf. Études nombreuses entre autre dans les rivières en Allemagne – entraînant de nombreux troubles chez les poissons entre autres – ils deviennent gay ! ).

    Du coup, si on empêche les femmes de prendre des moyens de contraception –> plus d’enfant –> fécondité qui augmente !

    Par extrapolation, si les poissons mâles peuvent-être atteint de « féminisation », qu’en est-il des hommes qui boivent l’eau ?!?!?!
    Les hommes auraient-ils plus de probabilité de faire des enfants, parce que moins féminisés… ?!?!

    Allez pour plus d’infos c’est par là : http://fr.wikipedia.org/wiki/Contraception_orale en bas de la page des études sur l’impact des hormones sur les poissons.

    Et pour finir, hors de question d’arrêter la pilule! 😀
    A moins qu’ils trouvent un autre moyen efficace…..

    babs2a

    29 janvier 2010 at 22:11

  4. Je ne suis pas sûr qu’on doive regretter de ne pas faire plus d’enfants. Je ne suis pas malthusien fanatique, mais je trouve assez inconscient de se forcer à faire des gosses dans un monde déjà bien peuplé.
    En Corse, la population augmente déjà trop vite pour qu’on arrive à la gérer correctement (cf urbanisme totalement anarchique), on va pas aggraver volontairement la situation, quand même ?

    C’est celui-là, ton article ?
    http://www.insee.fr/fr/regions/corse/default.asp?page=themes/etudes/quantile/quantile3/acc_quantile3.htm

    fabien

    29 janvier 2010 at 22:29

    • Et voui c’est mon article… enfin c’est mon nom en bas. Ça faisait même pas 1 an que j’étais à l’INSEE, c’était beaucoup briffé par les chefs 😉

      C’est bien évidemment de l’humour mon intervention.
      Ça fait aussi référence à certaines personnes qui regrettent la migration continentale (l’augmentation de la population n’est pas du au solde naturel = naissances-décès) mais ne se décarcassent pas pour autant pour faire des enfants 😉 Je simplifie l’idée là au maximum…

      D’ailleurs un point que l’on ne peut aborder dans une publication de l’INSEE c’est le coté « sociologique » de la chose. Il y a beaucoup de « premier enfants » sur l’île –> ça fait beaucoup penser au concept de l’enfant roi… mais ça c’est du ressenti, c’est pas « quantifiable », il faudrait des études sociologiques pour en être sur.

      Après la population de la Corse c’est un gros problème… C’est un cercle vicieux… Pas assez de monde veut aussi dire pas assez de sous pour développer… Mais en attendant d’avoir assez de monde c’est peu le bordel 🙂
      A moins d’être 50 000 riches… 😀
      Idée : Gagnons tous au loto ! mais pas tous le même jour… 😉

      babs2a

      30 janvier 2010 at 13:00

      • Plus de monde = plus de sous, en Corse, ça se discute.
        Etant donné que l’une de nos sources de revenus c’est le tourisme, plus d’habitants implique plus de touristes pour arriver au même niveau de revenu par touriste (toutes choses étant égales par ailleurs), ou un revenu par habitant lié au tourisme inférieur pour un nombre de touristes égal.
        Plus de monde, ça veut dire aussi une augmentation des prix de l’immobilier, à l’achat comme à la location, ce qui n’est pas une bonne chose pour les actifs jeunes et favorise plutôt les détenteurs de biens qui sont en général plus âgés.

        Moi, j’aimerais bien avoir une étude économique complète de la question avant de me déterminer.

        fabien

        30 janvier 2010 at 16:46

  5. Le jour où la Corse misera sur autre chose sur le tourisme ça pourra surement aider…

    Moi je remarque que des entreprises « innovantes » ont le « courage » de se développer en Corse et réussissent. Je pense à Campus Plex et ses 3 entreprises (WebzineMaker, Ispirtit et Duoapps). Webzinemaker étant la plus « rentable » des 3 et aussi la plus ancienne tiens le coup, et arrive surtout à se développer. Corse Composite aéronautique essaie de survivre mais a eu de beaux moments de gloire.

    C’est sur que si on attend que les gens viennent et nous donnent des sous juste pour profiter du paysage ça va mettre plus de temps et forcément l’idée de gagner de la population sera forcément plus problématique. En plus je vais être méchante mais bon on est pas super commerçants (je parle surtout d’Ajaccio, Bastia c’est poil mieux). Je ne parle pas d’hospitalité ou de convivialité ni de serveurs qui prennent leur temps (on est dans le Sud tout de même), mais de capacité à vendre des produits, à donner envie d’acheter.

    Je prend de gros raccourci parce que je suis quand même fière de ma région et j’aimerai même un jour faire un gîte 😉

    Mais je me dis que grâce à internet, de nos jours, créer des entreprises qui marchent en Corse, qui peuvent exporter leur savoir faire et leurs produits c’est « plus facile » qu’avant.

    babs2a

    30 janvier 2010 at 20:12

  6. A propos de poison, je vous annonce qu’il y a deux projets de golf 18 trous en Balagne. Un à Calvi, du côté de la Signoria, l’autre en moyenne Balagne, sur les communes de Nesce et Filicetu. On n’a pas encore tranché entre les deux. Le 1er a pour « avantage » d’être près des structures hôtelières et des infrastructures (transports, etc) mais il est « désavantagé » par la proximité de Sta Catalina et des camions de la sablière. Le second est « désavantagé » par son éloignement des dites infrastructures mais offre plus de « possibilités environnementales ».
    Je voudrais poser des questions :
    1) En quoi un golf va résoudre les pbs éco de la région ?
    2) Les besoins en eau et l’utilisation massive de pesticides sont-ils compatibles avec une écologie cohérente ?
    3) Est-il cohérent de gâcher des terres agricoles pour satisfaire les caprices de quelques nantis extérieurs et intérieurs, plutôt que de chercher à mettre en œuvre une agriculture vivrière pour diminuer les coûts de transport et éviter les courgettes espagnoles bourrées de pesticides ?
    4)Un golf de 9 trous n’est-il pas suffisant ?
    Je ne sais pas ce que vous en penserez mais personnellement, je suis très inquiète par la tournure des événements. Comme le dit Kempf, l’oligarchie ça suffit, vive la démocratie. Est-il si absurde de souhaiter que, de temps à autre, on nous demande notre avis ?
    Marie Simone NOBILI, écrivain public, Nesce.

    MSN

    30 mars 2011 at 09:45

  7. A tous ceux qui fréquentent le Festival du Vent : demandez donc à Serge Orru, président du WWF de vous expliquer les liens plus qu’étranges que le WWF entretient avec Monsanto (oui, vous avez bien lu, MONSANTO) ; demandez-lui aussi des explications sur l’enploi en Indonésie et malaisie, du paraquat, pesticide interdit dans de nombreux pays, utilisé dans les palmeraies à huile. Comme vous le savez, ces plantations prennent le pas sur les forêts, l’huile de palme est nocive pour la santé, et tout va bien Mme la Marquise.

    MSN

    1 avril 2011 at 15:58


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