1000 idées pour la Corse

1000 idées pour la Corse et pour le monde

Idée n°44 : parler correctement d’écologie

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L’écologie, c’est entendu, c’est l’avenir de la Corse. Et c’est pas moi qui vous dirai le contraire. La Corse pourrait devenir un pôle d’excellence en matière d’environnement, on est bien d’accord. Mais je vois mal comment nous pourrions y parvenir sans un minimum de culture écologique et scientifique. Une culture largement répandue parmi, au moins, tous ceux qui décident, informent, enseignent ou militent.

Des mythes et des approximations en matière d’écologie, on en lit et on en entend à longueur de temps. Petit florilège non exhaustif :

Catégorie n°1 : nous sommes dans une région climatiquement difficile

« Certaines régions de Corse sont presque désertiques »
On entend régulièrement une comparaison entre les régions les plus sèches de la Corse et le Sahara. Une manière peut-être de nous rassurer et de nous valoriser en nous disant que nos problèmes d’eau ne viennent pas de notre mauvaise gestion, mais de la nature qui est dure avec nous.

Le Sahara reçoit entre 1 et 100mm d’eau par an. En Corse, les régions les plus sèches reçoivent 500mm, les plus humides environ 2000mm. La région la plus sèche de Corse est donc 5 fois plus humide que la région la plus humide du Sahara. Il n’y a aucune comparaison possible entre les deux : il n’existe aucune zone naturellement aride en Corse. De plus, même si certaines de nos micro-régions sont relativement sèches, il y a toujours à proximité immédiate une zone bien plus humide. Il ne devrait y avoir aucun problème d’eau en Corse.

« Les sols de la Balagne sont irrémédiablement pauvres »
C’est une conséquence de notre climat saharien, bien entendu. Et ben non, les sols de la Balagne ne sont pas pauvres. Ils sont surtout martyrisés par des méthodes agricoles inadaptées et par les incendies. Mais rien n’est irréversible, et quelques agriculteurs font un excellent travail. Il faudrait juste les former mieux et en plus grand nombre. Et aussi, leur donner les moyens de travailler correctement sur l’ensemble du territoire.

Catégorie n°2 : il faut tout miser sur le renouvelable

Nous pouvons (et nous devons) miser sur les énergies renouvelables. Mais pas n’importe comment, ni attendre tout de toujours plus de production.

« L’énergie solaire est illimitée et gratuite »
D’abord, ce n’est pas vrai qu’elle soit illimitée, loin de là, mais bon, admettons qu’elle soit suffisamment abondante pour qu’on puisse la considérer comme telle. On ne peut en revanche que constater que produire de l’électricité à partir d’énergie solaire coûte la peau du dos, et, pire, les marges de progrès ne sont pas si importantes.

Parce que même si nous réussissions à réduire à presque rien le coût des panneaux, il reste encore le coût de tout ce qui les accompagne : les cables, les onduleurs, les supports, le transport, la main-d’oeuvre qui les installe et en assure la maintenance, etc. Rien n’est gratuit en ce bas monde, et le solaire restera relativement cher.

« Elle n’est pas du tout polluante et ne produit pas de gaz à effet de serre »

Si on se contente de regarder fonctionner un panneau solaire, effectivement : un panneau solaire en fonctionnement n’est pas polluant et n’émet pas de gaz à effet de serre.

Mais ce panneau, il a fallu le fabriquer, avec des matériaux plus ou moins polluants. Il a fallu consommer de l’énergie pour faire tourner l’usine. Il a fallu transporter les éléments par des moyens de transport utilisant des énergies fossiles. Il va bien falloir les implanter quelque part et si c’est en plein champ, il faut couler du béton et abîmer le sol. Il faut bien que tous les acteurs impliqués dans la vie du panneau solaire se déplacent pour faire leur boulot, avec des moyens de transport polluants. Il faudra bien aussi un jour remplacer ces panneaux, et traiter les panneaux usagés, qui risquent bien de venir encombrer quelques décharges. Etc.

Il n’existe aucun mode industriel de production énergétique totalement propre et qui ne dégage absolument aucun gaz à effet de serre. On ne pourra pas répondre par du bio et du renouvelable à une consommation toujours plus folle.

Catégorie n°3 : chez nous, c’est pas pareil, mais faut quand même copier les autres

« Les besoins énergétiques de la Corse sont faibles… »
… et donc on va trouver le truc miracle qui va combler tous nos besoins d’un coup.

Peut-être, mais peut-être pas. A part installer un réacteur nucléaire, je vois mal ce qui pourrait aujourd’hui régler pour longtemps notre problème énergétique. D’autant que si nos besoins sont faibles dans l’absolu, ils sont très mal maîtrisés, avec une pointe hivernale très forte et une croissance très rapide, comme expliqué ici.

« Ca marche ailleurs, ça marchera forcément ici »

La dernière fois que j’ai lu ça, c’était à propos des Marine Current Turbines, qui sont prometteuses en Grande Bretagne. Ce sont des engins qui utilisent la force des courants marins, mais surtout des marées… Ca ne marchera pas forcément en Méditerranée.

Et si, au lieu de regarder d’abord la technologie, on étudiait d’abord nos besoins et nos désirs ? Quand nous saurons à peu près quelle Corse nous avons et quelle Corse nous voulons, il sera temps d’aller faire notre marché dans les technologies adaptées à notre situation.

Catégorie n°4 : j’étais pas très attentif en cours de maths…

« L’emprise au sol du Galsi représentera 10% de la surface de la Corse »
Il y aurait bien quelques raisons d’émettre des réserves quant au Galsi, mais pas celle-ci. L’emprise au sol du Galsi sera de l’ordre de 50m, sur 200km, ce qui représente une belle surface, certes, mais plutôt de l’ordre de 0,1% de la surface de la Corse (10km2 sur pas loin de 10 000).

… ni à celui de physique-chimie
Confondre la puissance et l’énergie, les diverses unités, l’oxygène et l’hydrogène, le débit et la réserve… ça ne devrait pas se voir de la part de ceux qui ont en charge de promouvoir ou de décider en matière environnementale. Mais il y a là matière à un autre article…

Retrouvez tous les articles de 1000 idées pour la Corse.

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Written by fabien

10 mars 2010 à 11:02

Publié dans Réflexions techniques

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4 Réponses

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  1. Quand nous saurons à peu près quelle Corse nous avons et quelle Corse nous voulons: avec la photo de ton article je pense que la ont tiens le point de départ, avec la beauté en plus.Connais tu la différence entre un politicien et un homme(ou une femme) politique?
    le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération.

    Christophe

    10 mars 2010 at 22:22

  2. C’est joli, ce coin, hein ? 😉
    Pas trop ensevelis ce matin ?

    fabien

    11 mars 2010 at 09:01

  3. Chapeau x 4.
    Et magnifique…

    C@thy

    14 mars 2010 at 19:22

  4. Assez d’accord avec ce que tu dis. Je rajoute mon expérience.

    J’ai fait pendant 4 ans des animations d’éducation à l’environnement sur le thème des déchets dans la CAPA.

    Les enfants, ce n’est vraiment pas le problème. Ils arrivent très bien à comprendre l’impact de leur gestes sur l’environnement.
    Le soucis reste celui des adultes. La volonté de changement existe. Tous sont d’accord pour dire qu’il faut changer les choses, mais dans les faits…

    Je prend l’exemple de la CAPA, ailleurs ce doit être la même chose.
    La volonté y était (elle doit y être encore aujourd’hui).
    Ils donnaient des subventions à l’asso pour laquelle je travaillais.
    Le but : faire connaître le tri aux enfants de la CAPA. Nous avons milité pour que ce ne soit pas seulement des animations « courtes » mais plutôt des animations inclus dans les projets d’écoles ou de classe.

    Pas mal d’outils existent dans les réseaux d’éducation à l’environnement et sont efficaces, les autres nous les avons développés.

    Je me suis donc retrouvée devant des enfants de maternelle et primaire supers attentifs et des professeurs et des directeurs impliqués.
    D’ailleurs notre objectif de mettre en place le tri du papier dans les classes était possible seulement si toutes les classes triaient. La logistique était assez galère mais fonctionnait.

    Je suis persuadée que le travail effectué est positif. Mais l’effet ne peut être immédiat pour plusieurs raisons :

    – Les enfants n’ont pas le choix chez eux. C’est leurs parents qui décident de trier et faire attentions aux achats qu’ils font (suremballage…).

    – Les infrastructures ne permettent pas de faire un vrai tri efficace. Combien d’enfants ou de professeurs m’ont dit qu’ils ne faisaient pas de tri parce que les poubelles étaient toujours pleines, parce qu’ils n’avaient pas de place chez eux (et je veux bien les croire).

    – Le mythe des déchets dans les conteneurs de recyclage jetés à la décharge perdure.
    Nous avons fait visiter le centre de tri à certaines classes (pas toutes parce que là encore problème de subventions, cars, accueil impossible, …). Les enfants étaient intéressés, mais encore plus les parents accompagnateurs et les professeurs.

    Mes collègues qui bossaient dans le domaine de l’énergie, de l’eau (rivière,mer), du jardin rencontraient les mêmes sortes de problèmes. Mais la seule différence c’est que ces domaines ne sont pas « sales » et l’on s’y intéresse plus facilement au niveau régional… 😉

    Babs2a

    18 mars 2010 at 10:47


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