Idée n°76 : équilibrer notre culture
Vous avez de la chance : j’avais préparé une version longue de la seconde partie du texte sur la culture, et une erreur de manip me l’a faite effacer. Vous aurez donc la version courte, telle que parue sur le blog du FCAB, avec en plus un petit addenda spécial lecteurs de 1000 idées…
2. Que peut la culture ? (2ème partie du texte du FCAB)
Choisir la vision de la culture que nous souhaitons privilégier ne dépend pas seulement de l’intérêt que nous pouvons spontanément trouver à telle ou telle définition. Il est d’abord essentiel de s’interroger sur les objectifs visés par l’action culturelle : quelles sont les transformations attendues de l’action culturelle sur le territoire ? De cela découlera l’exigence de culture à même d’assurer ces transformations.
Curieusement, autant la conception courante de la culture est, comme nous l’avons vu, étriquée, autant ses prétentions sont grandes. Pelle-mêle, au gré des lectures, l’action culturelle est censée permettre l’élévation sociale, la cohésion sociale, la construction d’un rapport commun au monde, le développement économique local, le développement personnel, l’émancipation des individus, leur épanouissement, la démocratie culturelle, l’affirmation identitaire, l’insertion dans les grands courants contemporains, l’ouverture au monde…
Il est permis de se demander si le simple fait de mettre le public en contact avec les Oeuvres des Créateurs (l’essentiel de l’action culturelle moderne) a la moindre chance d’atteindre de tels objectifs. Suffit-il d’emmener quelques heures par mois des gosses de pauvres dans des musées ou des théâtres pour accroître significativement leurs chances de réussite sociale, leur efficacité économique, leur insertion dans la société ou leur épanouissement personnel ?
A l’évidence, si elle veut avoir la moindre chance de réussite, l’action culturelle doit être bien autre chose que cela. Permettre à un groupe humain sur un territoire d’élever son niveau de culture à la hauteur des défis individuels et collectifs qui attendent ce territoire (et les nôtres sont sérieux) nécessite plus que de l’action artistique. Sans aucun doute, une action culturelle qui serait capable de hisser le niveau de jeu culturel d’un territoire aurait bien des pouvoirs, mais c’est d’autre chose que l’on parle, qui nécessite un retour aux sources de l’éducation populaire. Et si l’art vient se mettre au service de cet objectif, alors tous les espoirs sont permis.
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Equilibrer la culture (addenda gratuit pour les lecteurs de 1000 idées)
Je suis intimement persuadé que la culture est effectivement la clé de la résolution de tous nos problèmes, de la voie vers un monde meilleur, de la sauvegarde de l’environnement, enfin, de tout ce que vous pourriez souhaiter de positif. Le pouvoir de la culture est immense.
A une condition : c’est que la culture telle que nous la défendons repose sur un certain nombre de piliers aussi essentiels les uns que les autres. Ces piliers doivent être solides et équilibrés. Pas au sein d’un individu (chacun a le droit de se sentir plutôt artiste, ou plutôt défenseur de son identité, ou plutôt citoyen, ou plutôt technicien), mais au sein d’une société, d’un groupe humain.
Baser la culture seulement sur l’art, les œuvres, les hautes productions de l’esprit humain est une catastrophe intellectuelle. L’œuvre artistique, quoi qu’on en dise, est un excellent produit marchand, et il ne faut pas s’étonner alors de la marchandisation de la culture. D’autant que sont rares les artistes qui produisent réellement pour la gloire. Il suffit de suivre l’actualité liée aux téléchargements sur Internet pour comprendre que l’immense majorité des musiciens espère avant tout vendre ses œuvres.
Une culture à dominante identitaire ne produit pas de meilleurs fruits. Nous sommes bien placés en Corse pour savoir qu’un sentiment fort d’identité peut conduire au pire, s’il n’est pas équilibré par autre chose.
Cet « autre chose », c’est le troisième pilier de la culture, le pilier citoyen, universaliste. Celui qui nous fait travailler sur nous-mêmes, à la fois par une connaissance aussi large que possible de l’histoire des idées à travers le monde, mais aussi par un travail permanent des communautés pour développer de véritables réflexes citoyens en lieu et place des vieux réflexes égoïstes, manipulateurs ou grégaires.
Et bien sûr, ce travail n’est possible que soutenu par un quatrième pilier, celui de la connaissance technique, scientifique. Aussi honnête, aussi citoyen soit-on, on ne peut rien produire de bon si on ne possède pas de compétences solides dans les domaines qu’on prétend aborder. On peut être enthousiaste tant qu’on veut pour le développement durable, si on n’a pas une connaissance solide de l’environnement, de l’économie, des questions sociales, de la citoyenneté, de la géopolitique… on ne fera pas de développement durable.
Le tout maintenu par une trame qui, aujourd’hui plus que jamais, est essentielle : la culture du réseau. Il ne s’agit pas de créer des atomes humains ultra-cultivés, qui posséderaient au plus haut niveau chacun de ces aspects de la culture, ce serait impossible, mais de faire en sorte que chaque groupe humain possède la capacité de mobiliser cette culture en fonction de ses besoins, soit parce que ses membres la possèdent collectivement, soit parce qu’il sait aller la chercher là où elle se trouve.
Ainsi équilibrés, ces aspects de la culture se renforcent mutuellement. La culture citoyenne et universelle empêche que l’aspect identitaire ne conduise au repli sur soi. L’identité devient alors une force, chacun se sentant unique mais dépositaire d’une part de la culture universelle, qu’il convient de préserver et de partager. La marchandisation des œuvres n’est plus un problème, puisque les œuvres ne sont plus LA culture, mais une part de la culture. L’apport des connaissances techniques permet de répondre de manière adaptée aux circonstances historiques, économique, sociales. La contribution des artistes, des intellectuels n’est plus élitiste, déconnectée de la société, mais bien connectée à elle, par un travail permanent de mise en réseau et de vulgarisation, rendu possible par la vigueur des autres piliers.
Je suis certain qu’un groupe humain, ou un territoire, qui concevrait la culture de cette manière, et se donnerait les moyens de la faire vivre, serait capable de bien des choses, et en premier lieu réussir un véritable développement durable.
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Manifeste pour un droit au logement digne pour tous
N’oubliez pas d’aller faire un tour sur l’agenda citoyen, il se passe sûrement des choses.
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