Idée n°99 : me composter
Puisque la question est récurrente, et qu’on me la pose à l’instant encore, une fois pour toutes et définitivement, je ne veux ni être enterré, ni être incinéré. A l’extinction des fonctions vitales de mon corps présent, qui est imminente à l’échelle historique, et pour ainsi dire déjà actée à l’échelle des temps géologiques, je veux que l’on composte mes restes.
On prendra le plus grand soin à cette opération, veillant à respecter les règles subtiles de l’art de la transformation de matières organiques en humus. On réduira tout cela à l’aide d’un broyeur ordinaire, imitant en cela la scène finale de l’excellent Fargo ; on mélangera soigneusement la chair finement hachée ainsi obtenue à une proportion adéquate de matières carbonées ; on veillera à garder le mélange dans des conditions de température, de pression, et d’humidité adéquates pour obtenir une fermentation parfaitement maîtrisée.
On pourra choisir indifféremment pour matière carbonée de la paille, de la sciure, ou tout autre élément (pourquoi pas les restes de litières pour chats), propres à donner à ce processus ultime l’humilité qui aura sans doute manqué à mon existence terrestre.
Une fois l’opération achevée, ce qui aura forcément pris quelques mois durant lesquels on aura continué à penser à moi en me remuant régulièrement, le bel humus obtenu sera répandu sur un jardin, sans exigence particulière hormis le fait qu’il soit cultivé par un jardinier amoureux. De son jardin, de la vie, d’une femme ou des lombrics, cela n’importe pas.
On en mangera les tomates ou admirera les roses en pensant une dernière fois à moi, et on m’oubliera. Restera encore de moi le souvenir d’une saveur, d’une couleur ou d’une senteur, et je serai, quelques secondes encore, immortel.
Que ces lignes soient considérées comme ma volonté ultime.
—
Sauf mention contraire, le contenu de cette page est sous contrat Creative Commons
objections
Si tu as des amalgames dentaires, il faut d’abord arracher les dents.
Si beaucoup de gens parviennent à mettre des tailles dans un broyeur à bois, je crains qu’il n’en soit pas de même pour les corps humains même morts. Pourtant c’est surement indispensable à cause de ces satanés os, sur lesquels n’aimerait pas tomber une star du showbiz en creusant les fondations de sa villa sur le littoral protégé. Comment faire?
On nous dit souvent « pas de viande dans le compost », je suppose que c’est encore plus vrai pour des carnes coriaces.
Il s’agira d’y répondre sinon on ne pourra te broyer.
jeuf1
29 septembre 2012 at 09:31