Idée n°100 : rester calmes
Depuis quelques mois qu’il se passe des événements plus ou moins graves en Corse, je suis chaque fois impressionné, et pour le moins inquiet, de la capacité que nous avons ici à nous émouvoir outre mesure des événements, et de notre incapacité parallèle à les analyser, les mettre en perspective, et en tirer des enseignements.
Que l’événement soit gravissime comme un assassinat, anecdotique comme une chronique d’un mauvais éditorialiste, ou problématique comme la disparition des arrêtés Miot, chaque fois, à en croire les réactions quasi-unanimes que l’on peut lire sur tous les supports, ou entendre dans la rue ou au café du coin, il semble que ce soit le peuple corse qu’on assassine (et avec préméditation, encore).
Et chaque fois, après quelques jours ou quelques semaines d’agitation où de commodes boucs-émissaires pinsuti et le racisme anti-Corses sont généralement désignés comme seuls responsables de nos malheurs, on passe au sujet suivant, ou à rien, selon l’actualité. Jamais ou presque on ne voit ni n’entend d’analyse en profondeur, de remise en question des affirmations péremptoires des uns et des autres. Bien peu de travail sociologique, d’études économiques, de réflexions politiques, et encore moins de remise en cause de ce que nous sommes nous-mêmes, et de nos propres responsabilités.
Pourtant, sur tous ces sujets, il y aurait beaucoup à dire, il y aurait à faire la part des choses entre les événements (ou la part des événements) dont nous sommes victimes, et donc sur lesquels il est légitime de se plaindre, et les événements (ou la part des événements) dont nous sommes responsables, et donc sur lesquels il serait possible d’agir. Et il me semble que sur pas mal des malheurs qui nous touchent, nous avons une part importante de responsabilité. Mais aussi, par conséquent, une marge de manœuvre importante.
Que les réactions sur des supports tels que Facebook restent limitées, cela se comprend. Mais l’inquiétude est plus forte quand on ne retrouve principalement, sur l’ensemble des production de presse, ou dans la bouche de nos élus, que des déclarations à l’emporte-pièce, souvent basées sur des données erronées ou des interprétations complaisantes de statistiques (d’où le sentiment, ensuite, que les statistiques racontent n’importe quoi, alors que c’est nous qui nous laissons raconter n’importe quoi à propos des statistiques).
Cette tendance que nous avons à nous plaindre sans cesse des agressions qui nous sont faites, mais aussi, à l’inverse, la difficulté que nous avons à mener vis-à-vis de nous-mêmes, des nôtres, une juste critique, s’explique sans doute par tout un tas de bonnes raisons. Elle n’en reste pas moins un des principaux obstacles de la communauté corse à la résolution de ses propres problèmes, et le symptôme d’un incroyable manque de sérénité.
La question centrale pour la Corse aujourd’hui me semble donc celle-ci : il faut que nous soyons capables, collectivement, de commencer à penser et à agir de manière un peu plus sereine, en produisant de réelles réflexions allant au-delà des préjugés et des réactions épidermiques. Et puis, même si le sort nous est injuste, revenir à cette bonne vieille fierté (fût-elle mal placée) qui nous faisait chanter « ùn c’hè Corsu chì pienghje ò si lagna… ».
Ce sera l’objet principal de ce blog pour l’année 2013.
Pace è salute à tutti.
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Anticonformiste-bourgeois que je suis, voici mes vœux :
Que 2012 soit la fin de l’âge de la démesure, le la terreur, de la connerie humaine, de la sauvagerie, de l’inégalité, de la mauvaise déraison, de l’irrespect, la fin des maladies, la fin de l’intolérance et des haricots, de la pauvreté et de la faim, la fin du mal.
Et rendez-vous fin 2013 pour voir si ça a marché. Je doute, j’espère, je rêve.
J’ai bien aimé les vœux de Mélenchon (je vous préviens : je ne suis pas de gauche, ni de droite non plus et mes convictions s’arrêtent avant l’extrême droite lepéniste). En voici un extrait : « Voici mes anti-vœux pour tous ! Je vous souhaite la fin d’un monde. Le monde de l’argent roi, le monde des cupides qui pourrissent le ciel, la terre et la mer ! Le monde des lâches et des malins vautrés dans les connivences et les arrangements. Les mauvais jours finiront ! Vienne le temps de cerises et des jours heureux. Un matin se lèvera, couleur de rêves. Peut-être bien le jour même où tant de grands cœurs auront davantage confiance en eux-mêmes que dans les marionnettes à gros fils avec lesquels les puissants détournent leur attention. » Le texte entier se trouve sur le Net en cherchant par « anti vœux ».
Patrice
11 janvier 2013 at 19:43
Suite : je réagis à votre « Idée N° 100 »
Je suis d’accord avec vous sur le fait que nous – les Corses comme tous les « pensants » de notre globe – avons le fâcheux défaut de ne pas s’interroger sur nos agissements : il est tellement facile d’accuser l’autre ! Dans les arts martiaux, on apprend que le pire ennemi, c’est soi. Il faudrait l’appliquer, se rappelant qu’il est souvent plus facile de se changer que tenter de modifier l’élément extérieur qui nous chagrine.
Par contre je ne vous suis pas car il me semble que certaines choses sont à classer dans une forme de xénophobie anti-Corse. En voici trois exemples :
– les prisonniers que le gouvernement ne veut pas rapprocher des familles comme la Loi l’y oblige,
– les sanctions contre le SECB alors que des faits plus graves sont régulièrement constatés sur des stades de foot sur le continent sans punition aucune (je n’aime pas ce sport mais entend des réactions tant dans les médias qu’autour de moi),
– la fin de l’arrêté Miot qui répond à une décision de mettre tous les citoyens Français sur une même égalité alors que l’État finance les églises catholiques (et rémunère les curés) en Alsace, et autres cas d’inégalités injustes.
On peut développer ces exemples, ouvrir des polémiques sur d’autres faits (comme les affaires d’illégalités immobilières blanchies par l’État)… Avouez que, sans faire de paranoïa, il y a de quoi s’insurger et s’interroger sur le régime spécial que les gouvernements successifs impose à la Corse !
Patrice
11 janvier 2013 at 20:04
Attention, je n’ai pas dit que le racisme anti-corse n’existe pas. J’ai dit qu’il est trop souvent désigné comme seule cause de nos malheurs.
fabien
11 janvier 2013 at 21:24
Oui, Fabien, mon premier paragraphe montre que je suis d’accord avec vous ! Je dis entre-autre qu’ « il est tellement facile d’accuser l’autre » ! D’accord avec vous donc pour affirmer que s’il y a un comportement anti-Corse évident, il faut que nous, les habitant de la Corse – et j’ose ajouter « ceux qui se disent Corse et qui ne respectent pas « leur île » – fassions une introspection, une auto-critique : c’est un acte de sagesse et de bon-sens.
Patrice
11 janvier 2013 at 22:03