Idée n°130 : me fâcher avec tout le monde (3) : tourisme et PIB
Le tourisme, tout le monde est d’accord, c’est un pilier de notre économie. Dossier de l’Insee à l’appui, Vanina Pieri a même prétendu, lors du fameux Cuntrastu, que c’était LE pilier de notre économie. Et Vanina sait de quoi elle parle, elle a géré pendant 5 ans l’ATC, l’agence du tourisme de la Corse. Elle sait précisément ce que représente le poids du tourisme dans l’économie corse. Ou plutôt, elle devrait le savoir. Mais, quand on va faire un tour dans les différents documents disponibles sur les sites de l’ATC, et dans les différentes déclarations de Vanina Pieri, on n’en est plus très sûr. C’est un peu embêtant, s’agissant d’un secteur aussi fondamental.
Illustration :
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15 % ?
Interrogée en 2012 par Jean Biancucci à l’assemblée de Corse, Vanina Pieri estime le poids du tourisme à environ 15 % du PIB de la Corse :
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12 ou 13 % ?
La même année, l’ATC commande à Gécodia une étude sur le poids du tourisme dans le PIB. Gécodia évalue tout d’abord le poids du tourisme à 7 % du PIB, et à 12 % de la valeur ajoutée du seul secteur privé précisant que, « Toutefois, cette évaluation reste partielle car deux pans importants du tourisme (hébergements dans le locatif saisonnier et transports extérieurs) ne sont pas comptabilisés à ce stade. ».
Incluant les transports, donc, Gécodia parvient à 12%, et après une correction des chiffres de l’Insee, le total arrive à 13% (21% pour la part du tourisme dans le seul secteur privé).
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12 % ? ou peut-être 20 % ?
En 2013, pour Corse Net Info, prudente, Vanina Pieri retient le chiffre de 12 %. Mais élargit le champ des possibles, en incluant des richesses indirectes, à 20 %. Parmi lesquelles… le transport, dont Gécodia précisait bien, pourtant, qu’il était déjà inclus dans son estimation de 13 %…
Ou bien la grande distribution, incluse dans la part « commerces » de l’étude Gécodia. Rien dans l’étude n’évoque d’éventuelles richesses indirectes, puisque Gécodia a déjà tout pris en compte. En fait, les 20% ne sont pas les chiffres incluant des richesses indirectes, mais bien le poids du tourisme dans le seul secteur privé, ce que Vanina appelle « l’économie productive » (les travailleurs du secteur public seront ravis d’apprendre au passage qu’ils appartiennent à l’économie improductive).
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Non, c’est bien 13%
En 2014, l’ATC fait paraître, dans le cadre de l’élaboration du Padduc, son livre blanc du tourisme, reprenant les chiffres de 2010. On retrouve bien les 13 % de Gécodia, mais curieusement, la part dans la valeur ajoutée du privé est montée à 22 % :
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12 %, finalement
En 2013 et 2014, l’ATC semble avoir décidé que c’est bien 12 % du PIB (et 19 % de la valeur ajoutée du privé). Ainsi, dans son rapport d’activité 2013 :
Ou bien dans divers documents de 2014, disponibles sur cette page, tout aussi sages :
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On est donc bien d’accord. La part du tourisme dans le PIB corse est, en 2014, connue et acceptée par l’ATC : 12 ou 13% du PIB, l’ATC semblant d’ailleurs plus volontiers retenir le chiffre de 12%. Mais voilà qu’en 2015, les chiffres avancés se mettent à évoluer sensiblement à la hausse. Et pas qu’un peu…
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21 %, on sait pas d’où ça sort, mais c’est joli
Sur l’actuelle page « Chiffres-clés » du site CorsicaPro, pour commencer, où on annonce le tourisme à 21% du PIB, cette fois, et attention, hors transport :
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A moins que ce ne soit 24 %
Et puis dans un rapport de l’Insee, co-signé de Vanina Pieri, et tombant à pic pour les élections, puisque paru au mois d’octobre 2015, on passe à 24 %, toujours hors transport :
Page 5 :
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Ou peut-être 31 %, même, soyons fous
Et page 12 (avec une subtilité ici, c’est qu’on parle de la part des dépenses des touristes par rapport au PIB, et non de la part du tourisme dans le PIB).
Mais outre que peu de gens comprennent la nuance qui est un peu technique (je l’avais expliquée ici), Vanina Pieri, sans aucune précaution, lance ces deux chiffres, 24 et 31 %, comme part du tourisme dans le PIB au cours du fameux Cunfronti du mois d’octobre (à partir de 11’40 et encore à partir de 28’40 pour le 24 %). Pour obtenir le vrai chiffre du PIB lié au tourisme, l’Insee retient une valeur ajoutée arbitraire, à 40 % de la dépense. En Corse, comme ailleurs. Et ça, Vanina Pieri ne peut pas l’ignorer…
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Le vrai chiffre de la part du tourisme dans le PIB selon l’Insee, c’est 9,6 % (hors transport).
Tout simplement parce que 40 % de 24, ça fait 9,6. Et c’est bien ce que conclut le rapport de l’Insee. On peut trouver en effet, page 18, la part réelle de la richesse générée par le tourisme dans le PIB corse, c’est écrit noir sur blanc :
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Bref, outre l’usage volontaire d’une statistique pour une autre à des fins électoralistes, il serait peut-être quand même temps que nos dirigeants s’appuient sur de véritables statistiques pour décider de l’avenir de notre île. Parce qu’on ne mène pas la même politique selon que le tourisme représente 10% ou 30% de l’activité.
Je laisserai quant à moi le mot de la fin à Vanina Pieri, issu de son interview à Corse Net Info de 2013 « Dans cet espace fortement concurrentiel, on ne peut pas se contenter de bricoler, il faut de vrais professionnels ».
Il serait temps qu’en Corse, effectivement, on cesse de bricoler.
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Note : il faudra revenir sur ce fameux rapport d’octobre 2015, et notamment sur l’aspect traitant de l’évolution de la saisonnalité, c’est croustillant là aussi. Peut-être deux mots aussi sur l’indice de Gini, que Vanina Pieri a sans cesse à la bouche, il y a matière à commenter, aussi…
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Il y a une autre manière d’envisager le tourisme. Elle consiste à le considérer comme une exportation. Une exportation particulière certes, où l’on fait venir le client au lieu de lui apporter des services et des marchandises chez lui, mais astucieuse.
Dans ce cas, c’est la balance du commerce extérieur de la Corse qu’il convient d’étudier.
Comparer ce que la Corse importe et ce que la Corse exporte. Je pense qu’on verra vite ce qu’en matière d’exportation le tourisme représente et c’est assez massif.
JeanHuguesRobert
9 novembre 2015 at 20:48
Oui, et c’est l’intérêt réel du tourisme pour une économie comme la nôtre, dont la balance commerciale serait très déficitaire, sinon.
fabien
9 novembre 2015 at 20:57
Bataille de chiffres entre 2 professeurs d’université en économie en ce moment même.
L’un donne 8% pour le poids du tourisme dans le PIB. L’autre donne 25% pour la part du tourisme dans la balance commerciale. Evidemment, ce n’est pas la même chose. Et les deux chiffres sont assez proches de la réalité qu’ils désignent (même si 8%, c’est quand même un peu faible).
Mais le public retiendra 25%…
fabien
10 novembre 2015 at 16:12
Tres bonne analyse.quel est votre nom?
Jf ferrandi
7 avril 2017 at 07:06