Idée n°139 : faire lundi vert ?

Ainsi, on nous enjoint désormais de faire Lundi Vert. J’écris « faire lundi vert » comme on écrit « faire maigre », « faire carême » ou « faire pénitence ». Parce que ça y ressemble beaucoup, à une injonction religieuse.

Ce n’est pas que l’idée de pousser les gens à réduire leur consommation de viande me déplaise, loin de là. Ceux qui me suivent le savent : je n’ai pas attendu qu’on me le suggère pour diminuer ma consommation de produits animaux, j’étais même beaucoup plus ambitieux que ce qu’on nous propose ici. Ce que j’écrivais dans cet article il y a quelques années, d’ailleurs, je ne suis plus très sûr que ce soit très intelligent :

Bien que j’aie beaucoup approfondi mes connaissances en nutrition, je doute aujourd’hui de ce que je disais alors. Pardon : PARCE QUE j’ai beaucoup approfondi mes connaissances, je doute aujourd’hui. Si la question vous intéresse, je développerai ça.

Mais revenons à Lundi Vert.

C’est la méthode employée qui me pose problème. Comme disait le grand Jacques, on fait ce qu’on peut, mais y’a la manière. Là, la manière, elle me pose problème. Elle consiste à balancer une campagne de com à grande échelle, avec un argument d’autorité (plein de personnalités mélangées à des scientifiques et des intellectuels ne maîtrisant pas le sujet, mais intellectuels, quoi, faut que ça impressionne), et à inonder les réseaux sociaux d’injonctions culpabilisantes. Si la démarche ne te plait pas, c’est que tu ne veux pas sauver la planète. Et tu es au niveau « sous-cortical ».

Je l’ai toujours dit, et je le pense plus que jamais. Si nous voulons avancer en écologie, il faut cesser de prendre les gens pour des imbéciles. Cesser justement de prétendre que leurs résistances aux injonctions ne sont dues qu’à leur bêtise. Le problème vient de l’injonction, pas de l’idée qui est derrière. Il faut élever le débat, pas le rabaisser au niveau de la punchline, et la responsabilité de cette élévation du débat, elle incombe précisément au niveau institutionnel.

L’autre point gênant de la démarche est cette terrible impression de pied-dans-la-porte. On dénigre les réticents en appuyant sur le fait que tout ceci n’est qu’une toute petite journée, mais à travers toute la communication, on nous rappelle à quel point être végétarien, voire végétalien, est à portée de main, et d’un petit complément de B12, comme dans l’article cité ci-dessus : « Le Lundi Vert, qui est contre ? ».

Pourquoi nous parler de végétal/risme dans une tribune censée défendre une initiative d’un seul jour par semaine ?

Et non, la littérature scientifique ne considère pas que les risques du végétarisme, ce soit juste la carence en B12. Elle insiste pas mal sur toutes les autres carences possibles et recense pas mal de risques pour la santé à mener imprudemment un régime végétarien ou végétalien. En supposant qu’il soit bon d’inciter des populations entière à le devenir ou à s’en approcher, une attitude responsable ne serait-elle pas de reconnaître les risques potentiels ?

Bref, je crains qu’encore une fois, ce type d’initiatives ne fasse que convaincre les convaincus, braquer les sceptiques, et mener des gens imprudemment dans des démarches risquées… En plus de stigmatiser encore et toujours les éleveurs et autres métiers de la consommation animale, déjà largement sous pression ces derniers mois.

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