1000 idées pour la Corse

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Idée n°67 : admirer le massacre

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J’ai la chance de passer l’hiver à Sant’Ambroggio, riante station balnéaire de la côte balanine. Sant’Ambroggio, c’est le lieu touristique par excellence, village de bungalows et de villas autour d’une marine construite il y a une quarantaine d’années (très difficile d’avoir des renseignements précis sur Sant-Ambroggio, toute recherche sur Internet pointe fatalement vers une flopée de liens publicitaires).

Le paragraphe sur Sant’Ambroggio sur la page Wikipédia de la commune de Lumio est bref, et, bravant la neutralité de l’encyclopédie, fleure bon les vacances de rêve : « C’est un complexe touristique comprenant un port de plaisance de 180 places à quai, doté d’une capitainerie et d’un poste d’avitaillement en carburant, et un ensemble de petites résidences en bord de mer. Le Club Med y a installé un village de vacances. Sur place, on trouve tous les commerces nécessaires à la vie quotidienne. La Marine est située à égale distance de Calvi et d’Ile-Rousse, à l’abri de la Punta di Sant’Ambrogio. C’est un arrêt pour le trinighellu, le petit train qui dessert durant la saison estivale la côte et les plages entre Calvi et L’Île-Rousse (gare de Sant’Ambroggio et gare du Club-Med Cocody). »

Il est accompagné d’une photographie à la prise de vue suffisamment lointaine et floue pour entretenir l’illusion du paradis. Mais le diable est dans les détails, et je vous invite à une visite de la réalité de Sant-Ambroggio : un massacre esthétique et environnemental parfaitement exemplaire de ce qu’il ne faudrait plus faire, et qui se perpétue pourtant, appât du gain oblige…

1. Flots de béton et de bêtise…

A Sant’Ambroggio, le moindre bungalow de 30m2 en bon état se négocie dans les 200 000 euros. Les propriétaires des résidences secondaires de la marine sont généralement riches. Ça ne les empêche pas de se montrer particulièrement mesquins quand il s’agit d’aménager les environs de leur petit paradis…

Murets et escaliers sur les rochers à dominante ciment, tuyaux en plastique apparents, et même barrières en PVC, fil électrique et béton, tout est bon pour grapiller quelques euros et ne surtout pas payer un véritable artisan :

Ici, le béton coule à flots, et finit logiquement par rejoindre la mer :

Sur le front de mer, les terrasses sont relativement spacieuses (pour la définition d’euphémisme, c’est ici). Un résident a quand même trouvé ça trop petit à son goût. Extension du domaine de sa hutte de très bon goût, on peut le voir. Tout comme le grillage délimitant les terrasses géantes. Un conseil aux propriétaires : au lieu de vous ruiner en grillage à lapin, pour délimiter votre territoire, contentez-vous de pisser autour.

2. Saccages environnementaux

Évidemment, quelques milliers de résidents dépourvus de toute conscience, ça devrait logiquement avoir des conséquences environnementales. C’est confirmé.

Sur la plage, d’étranges rochers bordent le sable. D’un peu plus près, on constate que ce ne sont pas des rochers, mais des accumulations de matière organique issues de l’activité des riverains (je n’ai pas analysé le truc, mais ça ressemble furieusement à des boues d’épuration).

Quand on a construit Sant’Ambroggio, on ne s’est pas embarrassé : on a mis les bouches d’égout sur la mer (mais elle va où, la merde ?), on a remblayé, poussé les remblais vers la mer, jusque sur les rochers, et on n’a pas été très regardants sur le contenu de ces remblais. 40 ans plus tard, ça donne encore ça :

Le littoral est (était) bordé de magnifiques buissons de lentisques. Ces lentisques ont une fonction écologique fondamentale : ils protègent la côte de l’érosion. Là où ils ont été supprimés, si près de la mer, ce sont les griffes de sorcières, considérées comme une plante invasive, qui prennent l’intérim, après quelques années de résistance de la pelouse (les deux dernières photos concernent un lieu que je connais bien : enfant, j’ai souvent cherché mon ballon de foot dans l’immense buisson de lentisque qui se trouvait à cet emplacement. J’ai eu du mal a reconnaître le lieu quand j’y suis revenu 20 ans plus tard). Touristes : 1 / biodiversité : 0 :

3. Le massacre continue

Les propriétaires de Sant’Ambroggio n’ont pas d’argent pour construire de jolies choses. Ils n’en manquent pas pour saccager. Il a fallu plusieurs jours de travail à un ouvrier très bien équipé pour détruire les deux derniers (et remarquables) lentisques géants du coin. C’était il y a quelques semaines (c’est d’ailleurs ce massacre qui m’a fait sortir mon appareil photo, et en chemin, il y a eu tout le reste).

Pour le reste, les nouveaux lotissements qui sortent de terre et les nouveaux travaux sont dans l’absolue continuité de ce qui s’est fait jusque-là : du béton, du PVC, des déchets :

A part ça, la Corse est sur la voie d’un tourisme de qualité.

Manifeste pour un droit au logement digne pour tous

N’oubliez pas d’aller faire un tour sur l’agenda citoyen, il se passe sûrement des choses.

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Written by fabien

20 février 2011 à 14:41

Publié dans Sans classement fixe

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5 Réponses

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  1. Ce portrait peu ragoûtant me rappelle une excellente émission de Ruth Stégassy consacrée au Cap Corse dans laquelle Michel Delaugerre, chargé de mission au Conservatoire du Littoral, évoquait ce qui aurait pût advenir si le projet de Porto Giraglia avait vu le jour.

    Si tu ne l’as pas entendue elle est réécoutable là :
    http://terreaterre.ww7.be/protection-environnement-en-corse.html

    Pour tenter de limiter les dégâts environnementaux peut-être pourrais-tu le contacter, ne serait-ce que pour essayer de monter une exposition sur les plantes menacées ?

    Tis

    21 février 2011 at 17:37

  2. Merci pour l’émission, c’est intéressant en effet.

    fabien

    22 février 2011 at 16:08

  3. MERçI POUR LE CONSTAT, TON HUMOOR ET TA PERSPICACITÉ FABIEN. C’EST PHOTOS ET TES TEXTES ME RAPELLENT NOUS EN CORSE ENFANTS.

    MOREAU PESLERBE

    28 février 2011 at 13:45

    • Merci d’écrire en minuscules et d’en rester autant que possible aux commentaires factuels.

      fabien

      28 février 2011 at 22:29

  4. Connaissez-vous l’histoire vraie, triste et funèbre de la chapelle Sant’Ambroghju (datant du 11e siècle) et du chemin qui y menait ? Ils ont disparu sous les gravats et autres accaparements de biens communs.

    MSN

    16 mars 2011 at 17:21


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